Tarkovski et l’Histoire : Une Archéologie Cinématographique de la Mémoire Russe

L’analyse proposée par ARTE dans cette vidéo de Blow Up consacrée à Andreï Tarkovski révèle l’une des dimensions les plus fascinantes de l’œuvre du maître russe : sa capacité unique à transformer l’Histoire en expérience sensorielle et spirituelle. Bien au-delà d’une simple reconstitution du passé, Tarkovski développe une véritable « esthétique de l’Histoire » qui mérite une exploration approfondie.

L’Histoire comme Matière Vivante : Une Approche Révolutionnaire

La Rupture avec le Cinéma Historique Traditionnel

Contrairement aux épopées historiques conventionnelles, Tarkovski ne cherche pas à reconstituer le passé mais plutôt à “l’invoquer comme une force magique”. Cette approche révolutionnaire transforme l’Histoire en “mémoire sensible qui revient sans cesse, qui travaille le présent”. Le cinéaste russe développe ce qu’il appelle lui-même le concept de “kinoobraz” (image cinématographique), une théorie esthétique fondée sur l’idée que le cinéma doit capturer le temps dans sa matérialité la plus immédiate.
Dans son ouvrage théorique Le Temps scellé, Tarkovski explique que “le facteur dominant, tout-puissant de l’image du film, c’est le rythme, exprimant la course du temps à l’intérieur du film”. Cette conception du temps comme matière première du cinéma lui permet de créer une nouvelle forme de narration historique.

Une Mémoire Collective Transformée en Expérience Personnelle

L’originalité de Tarkovski réside dans sa capacité à faire dialoguer mémoire individuelle et mémoire collective. Dans Le Miroir (1975), son film le plus autobiographique, il mêle ses souvenirs personnels aux “grands instants de l’histoire collective (La guerre d’Espagne, Hiroshima, l’accession d’Hitler au pouvoir)”. Cette synthèse crée ce que Jean-Yves Heurtebise appelle une “fugue du temps” où différentes strates temporelles s’articulent.

Les Fondements Esthétiques : Une Poétique des Éléments

La Théorie des Quatre Éléments

L’analyse d’ARTE souligne avec justesse l’importance des quatre éléments dans l’œuvre tarkovskienne. Cette poétique élémentaire n’est pas simplement décorative : elle constitue le langage même par lequel Tarkovski exprime sa vision de l’Histoire. L’eau, la terre, l’air et le feu deviennent les vecteurs d’une “histoire sortilège”, permettant au spectateur d’accéder à une compréhension sensible du passé.
L’eau occupe une place particulièrement symbolique dans cette cosmogonie. Qu’il s’agisse de “l’eau calme des étangs avec ces algues qui dansent comme un ballet aquatique” ou de “la pluie battante qui tombe en trombes dans les moments de crise”, cet élément matérialise le travail de la mémoire et du temps. Dans Stalker (1979), les images d’objets submergés évoquent autant “la mémoire de l’ère soviétique” que les menaces de contamination nucléaire.

Le Temps Scellé : Une Révolution Conceptuelle

La théorie du “temps scellé” développée par Tarkovski constitue une rupture majeure avec les conceptions cinématographiques de son époque. Opposé au montage dialectique d’Eisenstein, il privilégie le plan-séquence comme moyen de “sculpturer le temps”. Cette approche lui permet de créer des images où “l’écoulement du temps est variable” et génère “un rythme du flux temporel qui doit être respecté dès le moment du tournage”.

L’Histoire comme Tragédie Collective : Violence et Spiritualité

La Violence Originelle

L’œuvre de Tarkovski commence par “un diptyque historique qui revient sur deux moments fondateurs de l’histoire russe” : la Seconde Guerre mondiale dans L’Enfance d’Ivan (1962) et le Moyen Âge dans Andreï Roublev (1966). Dans ces deux films, c’est “la violence que filme Tarkovski, violence originelle qui marque la Russie comme une malédiction”.
Cette représentation de la violence dépasse la simple reconstitution historique pour atteindre une dimension métaphysique. Dans Andreï Roublev, “en dépit de la censure soviétique qui voulait gommer les violences”, Tarkovski “représente l’horreur dans tous ses détails”, transformant le film en “théâtre de toutes les cruautés”.

Les Échappées : Rêve et Art

Face à cette violence historique, Tarkovski propose deux “échappées” : le rêve et l’art. Ces refuges ne constituent pas de simples évasions mais offrent des modalités alternatives d’accès à l’Histoire. L’art, en particulier, acquiert une “valeur sacrée” et “incantatoire”, devenant un oracle capable de révéler le sens profond des événements historiques.

L’Autobiographie comme Microcosme Historique

Le Miroir : Une Psychanalyse Cinématographique

Le Miroir représente l’aboutissement de la réflexion tarkovskienne sur les rapports entre mémoire individuelle et Histoire collective. Ce film “autobiographique” fonctionne comme une “thérapie par le cinéma” où Tarkovski “se psychanalyse lui-même”. Le cinéaste confiera d’ailleurs : “En terminant Le Miroir, mes souvenirs d’enfance qui m’avaient poursuivi et hanté pendant des années disparurent d’un coup”.
Cette dimension thérapeutique révèle une conception de l’art comme moyen de transformation personnelle et collective. Pour Tarkovski, “l’art est un métalangage, par lequel les hommes essaient de communiquer entre eux, de se connaître et d’assimiler les expériences des uns et des autres”.

La Mémoire comme Construction Poétique

Dans Le Miroir, Tarkovski développe une “méthode d’enchaînement par associations qui rassemble le rationnel et l’émotionnel”. Cette “logique poétique” lui permet de créer un film où “la vie a une organisation bien plus poétique que ne veulent nous le faire croire les partisans d’un naturalisme absolu”.

L’Exil et la Nostalgie : Nostalghia comme Testament

L’Impossible Retour

Avec Nostalghia (1983), Tarkovski explore une nouvelle dimension de sa relation à l’Histoire russe : celle de l’exil. Ce film, réalisé en Italie, marque “la consommation d’un divorce inévitable” avec l’Union soviétique. L’artiste russe en exil devient le symbole d’une mémoire déracinée, condamnée à ne pouvoir retrouver sa terre natale que par l’art.
La célèbre séquence finale, où le protagoniste traverse une piscine abandonnée en portant une bougie allumée, synthétise toute la philosophie tarkovskienne. Cet “acte de foi dérisoire” représente “l’avenir de l’Humanité vacillante” et constitue une métaphore de la création artistique comme ultime résistance face à l’Histoire.

L’Héritage : Une Nouvelle Conception du Cinéma Historique

Au-delà du Réalisme Socialiste

L’œuvre de Tarkovski constitue une rupture majeure avec les conventions du réalisme socialiste soviétique. En développant une esthétique personnelle fondée sur la spiritualité et la contemplation, il ouvre la voie à une nouvelle forme de cinéma historique, moins soucieuse de propagande que de vérité existentielle.
Sa conception du cinéma comme “mémoire mécanique qui permet de revivre une expérience du passé ignorée ou oubliée” influence profondément la manière dont les cinéastes contemporains abordent la représentation du temps et de l’Histoire.

Une Philosophie de l’Histoire

Plus qu’un simple cinéaste, Tarkovski développe une véritable philosophie de l’Histoire fondée sur l’idée que “le passé tout près de lui” continue d’agir sur le présent. Cette conception cyclique du temps, inspirée de la pensée orthodoxe russe, transforme chaque film en méditation sur la condition humaine face aux grands bouleversements historiques.

Conclusion : L’Histoire comme Révélation

L’analyse proposée par ARTE révèle la dimension prophétique de l’œuvre tarkovskienne. En transformant l’Histoire en “sortilège”, Tarkovski ne se contente pas de filmer le passé : il révèle la permanence des structures profondes qui gouvernent l’expérience humaine. Sa “poétique des quatre éléments” et sa théorie du “temps scellé” offrent aux spectateurs contemporains des clés pour comprendre notre propre rapport au temps et à la mémoire.
L’œuvre de Tarkovski demeure ainsi d’une actualité saisissante, nous rappelant que l’Histoire n’est jamais du “temps passé” mais bien une “mémoire sensible” qui continue de “travailler le présent”. Dans notre époque de mutations accélérées, cette leçon tarkovskienne résonne avec une force particulière, nous invitant à retrouver, par l’art et la contemplation, le sens profond de notre condition historique.

Texte généré par l’aide de Perplexity AI.

Stalker (1979)

Director: Andrei Tarkovsky
Writers: Arkadiy Strugatskiy (novel), Boris Strugatskiy (novel)
Stars: Alisa Freyndlikh, Aleksandr Kaydanovskiy, Anatoliy Solonitsyn

Storyline

In a small, unnamed country there is an area called the Zone. It is apparently inhabited by aliens and contains the Room, where in it is believed wishes are granted. The government has declared The Zone a no-go area and have sealed off the area with barbed wire and border guards. However, this has not stopped people from attempting to enter the Zone. We follow one such party, made up of a writer, who wants to use the experience as inspiration for his writing, and a professor, who wants to research the Zone for scientific purposes. Their guide is a man to whom the Zone is everything, the Stalker.

Link IMDB: https://www.imdb.com/title/tt0079944/