Warrior : L’Art Martial de la Déception Idéologique

« Warrior », cette série américaine diffusée entre 2019 et 2023, tire son inspiration des écrits et concepts du légendaire Bruce Lee, imaginés à l’origine comme un projet personnel pour l’icône des arts martiaux. Transportant le spectateur dans le San Francisco bouillonnant des années 1870, une ère marquée par la ruée vers l’or, l’immigration massive et les tensions raciales explosives, la série promet un cocktail détonant d’action brutale, de drames humains et d’intrigues mafieuses. À première vue, elle a tous les ingrédients d’un blockbuster télévisuel : des chorégraphies de combats dignes des plus grands films de kung-fu, une reconstitution historique immersive des quartiers chinois de la ville, et une galerie de personnages qui, au début, semblent taillés pour captiver. Produite initialement par Cinemax puis reprise par HBO Max (et plus tard Netflix pour une diffusion plus large), « Warrior » s’appuie sur un budget solide pour offrir des visuels impressionnants, avec des décors qui recréent fidèlement l’atmosphère chaotique de Chinatown, ses ruelles sombres, ses tripots enfumés et ses bagarres de rue impitoyables.

Dès les premiers épisodes de la saison 1, on est happé par l’énergie brute de l’ensemble. Le protagoniste principal, Ah Sahm, interprété avec charisme par Andrew Koji, débarque en Amérique comme un immigrant chinois fuyant un passé trouble. Expert en arts martiaux, il ne tarde pas à se faire remarquer par ses prouesses au combat, intégrant rapidement les rangs d’un tong (un gang chinois) puissant. Les scènes d’action sont un véritable feu d’artifice : chorégraphiées avec une précision chirurgicale (on pense à des influences comme « Ip Man » ou les films de Jackie Chan), elles mêlent coups de poing fulgurants, acrobaties aériennes et une violence crue qui colle parfaitement à l’époque. Imaginez des duels où chaque impact résonne comme un coup de tonnerre, filmés avec des plans dynamiques qui capturent la sueur, le sang et l’intensité des affrontements. C’est là que « Warrior » excelle : elle ne se contente pas de montrer des bagarres gratuites, mais les intègre à une narration qui explore les dynamiques de pouvoir au sein des communautés immigrées.

Au-delà de l’action, la saison 1 pose des bases thématiques solides et nuancées. L’immigration est au cœur du récit : Ah Sahm et ses compatriotes chinois font face à une Amérique hostile, où la loi anti-immigration comme le Chinese Exclusion Act (bien que légèrement anachronique, car il date de 1882, mais l’esprit est là) plane comme une ombre menaçante. Le racisme ambiant est dépeint sans fard – insultes, discriminations, violences policières – mais avec une subtilité qui évite le manichéisme. On voit des personnages comme Mai Ling (Dianne Doan), une femme ambitieuse et manipulatrice, naviguer dans ce monde patriarcal avec intelligence, ou encore Leary (Dean Jagger), un leader ouvrier irlandais raciste mais humain dans ses motivations économiques. La survie dans cet univers impitoyable est un thème récurrent : alliances fragiles entre gangs, trahisons internes, et la quête d’identité dans un pays qui vous rejette. Tout cela est servi par un rythme haletant, des dialogues vifs et une bande-son qui pulse au rythme des combats. On devient vite addictif, binge-watching les épisodes en se disant que voilà une série qui pourrait rivaliser avec des classiques comme « Peaky Blinders » ou « Boardwalk Empire », mais avec une saveur orientale unique. Les critiques initiales, d’ailleurs, saluaient cette fraîcheur, et la série a même été renouvelée grâce à un bouche-à-oreille enthousiaste.

Pourtant, ce qui commence comme une promesse d’excellence se mue progressivement en une déception amère. Dès la fin de la saison 1, on perçoit des signes avant-coureurs, mais c’est véritablement à partir de la saison 2 que l’agenda woke s’impose avec une lourdeur qui frise l’insupportable. Ce qui était une critique sociale intégrée organiquement à l’intrigue devient un prêchi-prêcha constant, comme si les scénaristes, menés par Jonathan Tropper (connu pour « Banshee »), avaient subitement cédé à une pression idéologique venue d’Hollywood. La subtilité des thèmes initiaux – racisme, immigration, inégalités – est remplacée par une checklist progressiste forcée : diversité ethnique surreprésentée de manière anachronique (dans un San Francisco des années 1870 où les interactions interraciales étaient rares et conflictuelles), discours anti-patriarcaux martelés à chaque opportunité, et une victimisation exacerbée des minorités qui transforme les personnages en porte-étendards plutôt qu’en êtres complexes.

Prenons les personnages féminins, par exemple. Dans la saison 1, des figures comme Ah Toy (Olivia Cheng), une tenancière de bordel rusée et impitoyable, ou Mai Ling, avec ses ambitions machiavéliques, offraient une profondeur fascinante : elles étaient fortes, oui, mais avec des failles, des motivations égoïstes et une vulnérabilité qui les rendait humaines. Dès la saison 2, elles mutent en archétypes de « strong independent women » invincibles, capables de terrasser des hordes d’hommes armés sans une égratignure, au mépris de toute crédibilité historique ou physique. C’est comme si les scénaristes avaient peur d’offenser quiconque en montrant des femmes faillibles ; au lieu de cela, elles deviennent des super-héroïnes anachroniques, prêchant l’empowerment féministe dans un contexte où de tels concepts n’existaient tout simplement pas. Les dialogues s’alourdissent de sermons sur l’équité de genre, l’inclusion et la sororité, qui sonnent faux dans la bouche de personnages du XIXe siècle. On en vient à rouler des yeux à chaque fois qu’une femme prend la parole, non pas parce que le message est mauvais en soi, mais parce qu’il est imposé avec une telle maladresse qu’il brise l’immersion.

Les intrigues subissent le même sort. L’action pure, qui faisait le sel de la série, est diluée par des sous-intrigues moralisatrices. Les guerres de gangs, autrefois centrées sur la survie et le pouvoir, deviennent des allégories contemporaines sur la justice sociale : on voit des alliances improbables basées sur des idéaux d’égalité, des critiques explicites du capitalisme (présenté comme l’ennemi ultime), et une réécriture de l’histoire pour coller à des narratifs modernes. Par exemple, le racisme anti-chinois, bien réel à l’époque, est amplifié au point de rendre tous les personnages blancs des caricatures de suprémacistes, sans nuance ni exploration des contextes socio-économiques (comme la concurrence pour les emplois entre immigrants chinois et irlandais). C’est une victimisation exacerbée qui ignore les complexités historiques – les Chinois eux-mêmes n’étaient pas exempts de divisions internes ou de violences – pour servir un message binaire : opprimés vs oppresseurs. Les épisodes se transforment en leçons de morale, avec des monologues interminables qui stoppent net le rythme, sacrifiant l’intrigue au profit d’un prosélytisme qui transpire à chaque plan.

La saison 3 pousse ces travers à l’extrême, rendant la série outright indigeste. Au lieu de corriger le tir, les scénaristes doublent la mise : plus de diversité forcée (introduisant des personnages LGBTQ+ dans un contexte historique où cela serait hautement improbable sans exploration sérieuse), plus de discours sur l’intersectionnalité, et une peur palpable de « froisser » les sensibilités modernes. Les combats, autrefois épiques, deviennent secondaires, relégués à des interludes entre deux sermons. Ah Sahm, qui était un anti-héros nuancé, se mue en porte-parole woke, perdant son charisme au profit d’une rectitude morale impeccable. C’est comme si « Warrior » avait retourné sa jaquette, passant d’une série d’action historique à un véhicule propagandiste pour les idéaux progressistes d’Hollywood. On pense à d’autres séries qui ont subi le même sort, comme « The Witcher » ou « Rings of Power », où l’idéologie prime sur la cohérence narrative, aliénant une partie du public au nom d’une inclusivité maladroite.

En fin de compte, « Warrior » illustre parfaitement comment l’Amérique contemporaine utilise son soft-power – cinéma, séries, médias – pour diffuser une idéologie dominante, au détriment de l’art pur. Ce qui aurait pu être une œuvre marquante, honorant l’héritage de Bruce Lee avec authenticité, se saborde en une leçon de morale imposée. Une punition méritée : 1/10. Si vous cherchez de l’action historique sans agenda, tournez-vous plutôt vers des classiques comme « Deadwood » ou des films de kung-fu old-school. « Warrior » ? Passez votre chemin, à moins d’aimer les prêches déguisés en divertissement.

« Le Temps scellé » d’Andreï Tarkovski: une boussole pour l’âme dans l’ère du consumérisme

Dans « Le Temps scellé », Andreï Tarkovski ne se contente pas de commenter son art : il forge un manifeste pour une vie plus juste, plus vaste, plus profondément humaine. Ce livre s’impose comme une méditation brûlante sur le mal de la modernité et sur la course effrénée au consumérisme, dont il déploie la logique destructrice et l’emprise sur nos imaginaires.

Contexte et portée

Écrit par l’un des cinéastes les plus visionnaires du XXe siècle, « Le Temps scellé » articule une pensée où l’esthétique n’est jamais dissociée de l’éthique. Le cinéaste, connu pour ses films contemplatifs et sa maîtrise des durées longues, prolonge ici sa quête : dire la vérité du réel en sculptant le temps, et non en le défigurant par la frénésie. L’ouvrage n’est ni un simple journal ni un manuel : c’est une profession de foi qui replace l’art au centre de la responsabilité spirituelle.

Thèse centrale

La thèse de Tarkovski est sans concession : la crise de l’époque n’est pas d’abord technique ou économique, elle est spirituelle. Le consumérisme colonise le désir, transforme l’art en produit et l’attention en marchandise, abîmant la capacité humaine à contempler, aimer, et se souvenir. Le livre oppose à cette logique une exigence : réapprendre le poids du silence, la fécondité de l’ascèse, la patience du regard.

Le temps comme matière de vérité

La grande force du cinéaste, théorisée dans ce texte, tient à l’idée que l’art doit « sculpter le temps ». Cela signifie que l’œuvre ne doit pas tordre la réalité au rythme de l’impatience, mais lui offrir l’espace de se manifester. Le refus de la coupe facile, de l’effet spectaculaire pour l’effet, dessine une éthique de l’attention : laisser advenir le vrai, laisser respirer l’instant, accueillir la durée comme une lumière. Dans ce geste, il y a autant une poétique qu’une résistance à l’accélération générale.

Une critique de la modernité

Le diagnostic de Tarkovski sur le mal contemporain est d’une justesse tranchante : l’ère moderne confond progrès et accumulation, vitesse et compréhension, information et sens. La ville tentaculaire, les images jetables, le divertissement perpétuel fabriquent un monde saturé où la profondeur se perd. « Le Temps scellé » montre que l’issue ne se trouve ni dans la nostalgie ni dans la technophobie, mais dans un retournement intérieur : réordonner les valeurs autour de ce qui sauve, et non de ce qui brille.

Éthique et spiritualité de l’art

Tarkovski rappelle que créer engage une responsabilité. L’œuvre ne sert pas à distraire mais à élever : elle convoque la conscience, accompagne le lecteur vers une forme d’alignement entre beauté et vérité. Cette éthique se traduit par un style : dépouillement, fidélité aux phénomènes, refus du cynisme. La spiritualité, chez lui, n’est pas décor ou dogme, mais respiration : une manière d’habiter le monde avec gravité, douceur et gratitude.

Une parole qui refuse la marchandisation

L’ouvrage démonte la logique de marché qui réduit l’art à l’utile et au rentable. Le regard qui évalue tout à l’aune des clics, des graphiques ou des tendances est, selon Tarkovski, un regard appauvri. À cette logique, « Le Temps scellé » oppose la lente maturation des œuvres, le geste artisanal, la dignité de l’exigence. On y lit une invitation implicite à préserver des zones franches de gratuité, où la création n’est pas soumise à la tyrannie de l’immédiat.

Une grammaire de la contemplation

Le livre est aussi un manuel de lucidité intime : cultiver le silence, choisir la patience, honorer le détail, accepter l’énigme. Ces gestes s’opposent point par point au réflexe de surenchère qui étouffe l’écoute. La contemplation devient ici une stratégie de reconquête du réel. Elle n’est ni passivité ni luxe, mais condition de possibilité d’une vie pensante — et d’un art qui ne ment pas.

Contrepoints mesurés

Certains pourront juger l’exigence de Tarkovski sévère, voire ascétique. Mais c’est précisément cette intransigeance qui rend le propos salutaire : elle dégage un espace pour l’indispensable, loin des illusions de l’époque. D’autres y verront un idéal difficile à tenir au quotidien ; le livre n’impose pourtant aucune doctrine, il ouvre un horizon de responsabilité, à habiter selon les moyens et les fidélités de chacun.

Ce que la lecture change

Lire « Le Temps scellé », c’est apprendre à se réaccorder au monde : ralentir, discerner, nommer, admirer. C’est aussi se donner des outils critiques pour résister aux automatismes culturels : préférer la profondeur au bruit, la cohérence au clinquant, la vérité à la facilité. À la fin, quelque chose s’apaise et s’éveille à la fois : une disponibilité neuve à la beauté, et le courage d’en porter la charge.

Verdict et recommandation

Chef‑d’œuvre de pensée et de style, « Le Temps scellé » obtient 10/10 pour la clarté de son diagnostic sur la modernité, la vigueur de sa critique du consumérisme et la noblesse de son exigence artistique. À recommander absolument aux lecteurs, créateurs, enseignants, décideurs culturels et à quiconque cherche une boussole dans un monde saturé. On y gagne une vision, un rythme, et une langue pour mieux voir.

Pour prolonger la lecture

  • Relire des passages en les confrontant à une journée ordinaire : ce que l’on regarde, ce que l’on consomme, ce que l’on ignore.
  • Tenir un carnet d’« attention » pendant une semaine : noter ce qui ralentit, apaise, élargit.
  • Partager une page du livre et ouvrir la discussion : qu’est‑ce que « sculpter le temps » peut changer dans nos métiers, nos pratiques, nos cours, nos vies ?

En refermant « Le Temps scellé », demeure l’évidence simple et rare : l’art n’est pas un luxe, c’est une manière d’habiter le réel — et Tarkovski, un maître de ce séjour.

Les Thanatonautes

Ce roman aborde un sujet qui peut être tabou pour certaines personnes.

Werber réussit néanmoins le tour de force de, justement, rendre le sujet plus accessible.

L’histoire est bien pensée et il y a pas mal de références (à diverses religions, diverses personnalités, divers événements…).

La fin est jouissive…

Mais, je vais tenter d’expliquer ma faible note.

La mort est un vaste sujet, mais au bout de quelques chapitres, on a déjà fait le tour au niveau de l’histoire principale. Cela tourne, en effet, beaucoup en rond et les seuls faits nouveaux au fil des chapitres sont que les Thanatonautes découvrent toujours un autre « Moch »… pour arriver à la fin a quelque chose de connu dans la culture populaire.

Pour résumer, je trouve l’histoire vraiment originale, mais c’est beaucoup trop long, cela en devient même pénible.

Westworld

Saison 1 – 6/10

Commençons d’abord par les points positifs.

Les images sont d’une beauté à couper le souffle.

La bande son est très jouissive.

Et, enfin, il y a sir Anthony Hopkins qui joue dedans, tout de même (oui, je sais, je ne suis pas objectif quand il s’agit de lui).

Seulement voilà.

Certains acteurs ne sont clairement pas à la hauteur… Le parfait exemple est lorsque Lee Sizemore est au bord de la piscine et qu’il est « alcoolisé ». Pour le coup, SIMON QUARTERMAN joue extrêmement mal l’homme alcoolisé.

De surcroît, les expressions des personnages paraissent trop souvent surjouées.

Et, pour terminer, il y a beaucoup trop d’incohérences : Par exemple, comment se fait-il que les non-humains arrivent-ils à utiliser aisément les pseudo-tablettes dernier cri ? Ou encore les armes modernes ?

Ou alors, dans le dernier épisode, lorsque l’alerte est donnée, Maeve et Lutz s’enfuient tranquillement dans l’espèce d’ascenseur. Le voyage paraît interminable d’une part. D’autre part, arrivés à destination, plus aucune alerte. De surcroît, personne ne semble reconnaître Maeve, quand bien même sa tête est affichée en grand sur l’écran à l’entrée du bâtiment « Westworld ».

Voilà, en résumé, je suis quelque peu déçu par cette série, j’en attendais davantage au vu du buzz qu’elle a suscité.

Saison 2 – 5/10

La saison 2 est toujours aussi belle visuellement parlant, si ce n’est plus.

En revanche, comme pour la première saison l’histoire est beaucoup trop tirée par les cheveux et les incohérences se comptent par dizaines à chacun des épisodes. En fait, on a vraiment l’impression qu’on veut à tout prix surprendre le spectateur, peu importe que cela soit logique et cohérent ou non.

Par ailleurs, que vient faire l’époque d’Edo dans la série ?

Et puis l’autre qui parvient à contrôler ses pairs par la pensée (mais oui, mais oui…) et la Dolores qui se prend plus de balles que 50 Cent et qui reste toujours debout.

On voit clairement qu’il s’agit d’une série avec beaucoup de moyens (les images sublimes, les acteurs plutôt bons (sans parler du maître du genre : Sir Anthony Hopkins), des effets spéciaux plutôt réussis… et j’en passe), avec une histoire très originale (à supposer qu’on n’ait pas vu le film de 1973, « Mondwest » ) mais terriblement mal exploitée.

C’est simple, on voit clairement que les réalisateurs se sont mis en tête d’en mettre plein la vue aux téléspectateurs, de le surprendre… tant pis si l’histoire devient totalement improbable. Bref, on a tous les ingrédients pour faire un bon cocktail, mais avec un barman en carton, l’élixir devient à peine buvable.

PS : Je me suis arrêté à la saison 2... je n'ai pas eu la force d'entammer la saison 3.