mon pote Fabrice avait amené des champignons hallucinogènes d’un de ses voyages en Asie. il tenait à tout prix à ce que j’essaye cela. « c’est un putain de trip, mec », m’avait-il dit pour me forcer à franchir le pas. il ne m’en fallait pas autant.
j’en pris donc en toute petite quantité car j’avais quelque peu peur des effets que cela pourraient avoir sur moi.
au bout d’une vingtaine de minutes, mon chat se mit à me faire des doigts d’honneur et à me demander « d’aller me faire mettre ». je fus assez lucide pour me rendre compte qu’il devait s’agir des symptômes de ces foutus champignons.
je fis part à Fabrice de mon échange avec mon chat, il me conseilla d’aller faire un tour dehors car, prendre l’air me ferait du bien.
je me levai péniblement du canapé et, en sortant, dans la cuisine, je remarquai que ma gazinière suçait le manche d’une des casseroles qui était accrochée au dessus. « bon, tout va bien », me persuadai-je.
je continuai mon chemin et une fois dehors, je m’assis sur l’herbe dans le jardin. lorsque je levai ma tête, la stupeur me gagna : les quelques arbres qui jonchaient mon jardin étaient en train de faire une partie de basket. je me mis debout et ordonna au cerisier de me faire une passe « et fissa, pour l’amour du Christ »…
la suite ? je n’en ai pas la moindre idée. mais ma poignée de porte m’a envoyé un sms pour me dire de ne pas oublier d’acheter du terreau pour le cocktail à la vodka. je vous laisse.
Les premiers photons de lumière virent me baiser le visage aux aurores, ce qui eut pour immédiate conséquence de me réveiller. Déboussolé, je levai ma tête et regardai autour de moi. J’étais au beau milieu d’un champ lexical. « Où suis-je ? La levrette est-elle la femme du lièvre ? » furent les deux premières questions qui me virent à l’esprit.
Dieu soit loué, j’entendis le bruit de véhicules qui passaient au loin. La civilisation était proche. Aussi, me devais-je de prendre la direction opposée. Il est important de savoir où l’on va, surtout quand on ignore totalement d’où l’on vient et que l’endroit dans lequel on se trouve n’a pas le moindre distributeur Selecta. Savoir où l’on va ne suffit pas, il est important de vérifier qu’on s’est acquitté du prix du billet pour pouvoir voyager jusqu’au bout, n’est-ce pas ? Personnellement, je suis resquilleur de maire en fils et faire la plonge ne m’a jamais posé de problème, à condition qu’il ne faille pas que je mette mon tee-shirt à l’envers. Arrivé à bon porc, je commençais à tailler le bout de gras avec un phalène qui ne cessait de me taquiner, s’imaginant sans doute que j’étais une truffe. Il volait pour vivre m’a-t-il dit, je trouvai cela d’une désobligeance sans égale et ne trouvai rien de mieux à lui répondre que je vivais pour voler. Tout ceci n’avait ni queue, ni tête et parmi les femmes, d’aucunes pensaient que je n’étais qu’un cochon qui avais l’appât de leur lait maternel. Je n’étais, naturellement, pas d’accord avec tout cela, car il m’était évident que je vivais pour la Mère Patrie et que je mourrai pour la Mère Patrie.
Lassé, je fis mes adieux au lépidoptère et il me souhaita bon vent. J’ignorai toujours où j’allais. Mais comme disait mon père : « si tu ne sais pas d’où tu viens, regarde où tu vas »… ou alors l’inverse, je ne suis plus aussi sûr, des bribes spirituelles s’étaient perdues sur le chemin de ma vie. Alors où allai-je ? Alors où vais-je ? Allez, venez ! Je vais vous emmener avec moi à la sublime colline des jours heureux, où on se gavera de cookies astraux tout en faisant passer nos joyeuses peines à coup de gorgées de vin de la jeunesse. Le temps panse tout, on n’y pense pas assez et quand on s’en rend compte, il est, hélas, bien trop tard pour en profiter. La jeunesse s’en va, le vin reste ici, on ne veut plus de bonbons, on veut que des morts ressuscitent.
De quel droit ? De quel droit mes êtres chers s’en sont-ils allés ? De quel droit m’ont-ils laissé ici ? Seul et dépourvu de toute distraction, souffrant de sévères carences affectives. De quel droit ? L’amour s’en va et il revient, il revient sans cesse, mais sans cesse affaibli tel le soldat après avoir passé des mois au front. Front, j’y faisais à l’amour, jusqu’à l’instant où son regard se plongea dans le mien et que plus rien n’avait dès lors d’importance. Mais qui suis-je pour parler d’amour après tout ? Ce sentiment d’une noblesse à toute épreuve qui n’a d’égal que le diabète jusqu’à ce que l’on en vienne à sucrer les fraises. L’amour est beau, l’amour est grand, l’amour fut cher à vos parents, mais qu’en avez-vous fait, parias que vous êtes ? Qu’en ai-je fait, d’ailleurs ? Où est-il mon amour ? Où qu’il soit, je le traquerai comme Bryan Mills et lui ferai sa peau avec des fleurs, j’arriverai et lui dirai : « N’a-t-on pas le droit à une seconde quinzième chance ? ». Ce à quoi il répondrait par un haussement d’épaules qui en dirait long… très long.
Alors bientôt, le tic-tac de l’horloge sonnera le glas du voyage et celui-ci commence généralement bien, mais finit toujours mal. Quand on regarde dans le rétroviseur du passé, que reste-t-il si ce n’est des souvenirs disloqués imbibés d’une folie ? Ordinaire est la mienne et je ne vous ai rien conté de spécial. Mais après tout, qui est le fou ? Moi ou le lecteur qui s’est rendu compte que tout ceci n’avait de sens dès le départ, mais qui a poursuivi sa lecture ? Alors ? Voulez-vous bien éclairer ma verte lanterne ?
j’avais une situation plutôt convenable. j’étais plus heureux que la moyenne, du moins j’avais l’impression de l’être.
puis, lorsque les premiers problèmes ont commencé à faire leur apparition, ils ont eu la fâcheuse idée de se multiplier de façon exponentielle.
la tristesse a commencé à être une partie prenante majeure de ma vie, de mon quotidien. tout ce que j’essayais de faire pour palier cela était voué à l’échec.
ma chute fut quelque peu brutale et les branches auxquelles je tentais de m’accrocher cédaient sous le poids de mes problèmes.
ce qui est fascinant dans une telle situation, c’est qu’on se dit qu’à un moment donné, on va bien finir par toucher le fond. mais, on se trompe, c’est dans un gouffre sans fond qu’on chute.
lorsque la vie nous entraîne dans ses abîmes, il n’y a d’autre solution que de ne plus penser à la chute, mais de simplement accepter de se laisser tomber, de profiter du voyage dans les fosses de Marianne.