abeille


j’avais dans les huit
ou neuf ans et j’étais
retourné en Roumanie pour rendre
visite à ma famille qui était restée là-bas.

c’était l’été et
il faisait une chaleur de bête,
y compris la nuit.

la maison de mes grands-parents
paternels était plutôt
imposante et avait l’avantage
de conserver une température
décente à l’intérieur.
c’était très agréable, car lorsqu’on
entrait dedans,
un voluptueux choc
thermique nous envoutait.

comme j’avais veillé assez tard,
mes parents me laissèrent dormir là-bas,
chez les vieux.

mes grands-parents s’étaient
essayés à l’apiculture, aussi avaient-ils
des abeilles qui rodaient en permanence
dans les parages.

j’étais terrifié par les abeilles parce
que j’avais entendu dire qu’un
homme était mort, car il s’était
fait piqué par des abeilles.

mais je décidai de ne pas
trop y penser. je parvins à m’endormir,
mais fus réveillé en sursaut avec une terrible
douleur au niveau
de la voute plantaire.
j’alarmai toute la maison
en hurlant de douleur.

une abeille m’avait
piqué à cet endroit précis. j’ai
tout de suite pensé
que j’allais mourir. je vis
ma courte vie défiler devant moi :
les fêtes que je n’avais pas faites,
les petites copines
que je n’avais pas eues,
les voyages que je n’avais pas faits…

ma grand-mère vint
me poser un torchon avec de l’eau
froide et cela
apaisa instantanément la
douleur.

je me risquai à lui
demander si j’allais
mourir ou, encore pire,
si j’allais perdre mon pied. elle
ria à gorge déployée… j’avais compris,
je me sentis ridicule… mais au moins,
je n’étais pas mort.