Le fils de Satan

Ceci est la suite fictive de la nouvelle "Le fils de Satan" parue dans Le Ragoût du Septuagénaire de Charles Bukowski.

J’ai patienté ainsi durant de longues minutes qui me parurent durer une éternité. Je surveillais régulièrement l’arrivée prochaine de mon père. Néanmoins, la peur et la panique ne me gagnèrent pas. Je devais rester digne. Le chef de la bande, c’était moi.

J’entendis les pas lourds de mon père s’approcher. J’étais toujours au milieu du lit, mais je me suis approché du bord pour surveiller mon père. Je le vis tel un colosse, il tenait une clé à molette dans la main et semblait totalement fou de rage. Ses yeux brûlaient de colère.

« Sors de là, sale fils de pute ! », m’ordonna-t-il. J’ai roulé sur le côté pour me remettre à ma place initiale, au milieu du lit. Mais quand mon père se baissa, son bras était suffisamment long pour m’attraper. Ce qu’il fit. J’ai tenté, en vain, de lui asséner un coup de pied, mais il parvint à l’esquiver. Il m’agrippa de sa main droite et me tira. Je me retrouvais au milieu de ma chambre en une fraction de secondes.

J’étais au sol, il se mit debout et m’accueilli avec un coup de pied entre les côtés, ma respiration fut coupée.
Je tentai de me mettre debout, mais un coup de poing dans l’abdomen vint me remettre au sol.

« Je te tuerai dès que j’en aurai l’occasion, je le jure devant Dieu.

T’auras pas le temps pour ça.

Enfoiré. T’es le pire des pères. »

Il saisit la clé à molette qui gisait sur le sol et m’assena un violent coup au niveau des côtes. Une douleur extrême me gagna. J’étais sûr qu’une cote était fêlée. La douleur était insupportable. Les larmes commencèrent à me monter aux yeux. Mais il n’allait pas avoir le privilège d’avoir mes supplications. Ah ça, non. Un chef de bande se doit de mourir debout.

Il tournait autour de moi tel un catcheur et, avec l’adrénaline, je parvins à me mettre debout. Je vacillais, mais tentai tout de même de lui décrocher une droite au niveau du menton. Il esquiva le coup et je tombais à la renverse.

De nouveau au sol, il m’envoya deux coups de pieds, un dans le dos et l’autre dans le thorax. J’avais du mal à respirer. Je commençai à cracher du sang. La douleur devenait vraiment insupportable. J’étais à deux doigts de tomber dans les pommes.

La colère de mon père ne semblait cependant pas décroître. Son visage commençait à s’empourprer.
« Mon fils ne sera jamais un voyou. Je préfère le tuer de mes propres mains plutôt qu’il devienne un voyou. »

Là-dessus, j’entendis la porte d’entrée s’ouvrir. C’était probablement ma mère qui venait de rentrer. Je puisai dans mes dernières forces pour crier et l’appeler afin qu’elle me vienne en aide.
D’un pas précipité, elle arriva dans la chambre et dit « Mais qu’est-ce qu’il se passe ici, nom de Dieu ?

Ce qu’il se passe ? Demande à TON fils ce qu’il se passe !

Mais, enfin, tu vas le tuer, arrête ça !

Ce sera peut-être mieux comme ça. »

Ma mère vint s’interposer entre mon bourreau de père et moi. Elle l’intima de s’arrêter. Mais sa colère semblait l’avoir rendu fou.
Elle alla saisir le téléphone, puis appela la police. Entre temps, mon père m’avait gratifié des quelques coups supplémentaires, je commençai à voir flou. Je tournais de l’œil.
La police arriva au bout d’une vingtaine de minutes. Mon père s’était quelque peu apaisé. Il était sorti de la chambre pendant que ma mère me tenait dans les bras et pleurait. Les pompiers étaient également arrivés et je fus pris en charge immédiatement.

Mon père fut embarqué par les flics et il passa la nuit en garde à vue.

Je fus soigné et à mon grand étonnement, je n’avais aucune cote fêlée.

Je n’ai pas revu mon père depuis ce jour. Je savais seulement qu’il avait fait de la prison pour ce fait. Ma mère avait demandé le divorce dans la foulée.

Aujourd’hui, j’ai vraiment envie de le revoir pour lui faire son affaire. J’ai grandi. J’ai pris du muscle et pratique des sports de combats uniquement pour ça…

Sur un lit d’hôpital

Je ressors de l’hôpital Casanova. Un si joli nom pour un lieu si sordide. Je suis allé visiter ma mamie. Ma mamie a un satané cancer : celui du pancréas ; l’un des pires selon les dires des spécialistes.
Une chose est sûre : ma mamie est sacrément mal en point. Elle a été placée dans une unité de soins palliatifs… j’ignorais de quoi il s’agissait réellement. Je me suis renseigné via ce cher ami qu’est Google.
Les soins palliatifs sont les services où l’on stocke les patients qui sont sur la fin. Sur la fin de quoi ? Sur la fin de leur vie, évidemment.
C’est ce qui m’a tout de suite marqué lorsque j’ai aperçu ma mamie : ses yeux ne dégageaient rien d’autre que le néant. Ils étaient vides, la vie les avait quittés. Il n’y a guère plus cette lueur, cette douceur qui entoure la rétine et qui rend les yeux si beaux, qui rend les regards de certaines personnes si délicieux. Non, dans les yeux de ma mamie, on ne voyait guère plus que le vide. Le vide et la souffrance.
Le cancer se nourrit de ses entrailles et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Les médecins tentaient de le repoussait à base de rafales de chimiothérapie et autres médicaments, mais il semblait indestructible. Elle souffrait, il gagnait du terrain. Son seul moment de répit était lorsqu’un afflux de morphine venait se mélanger à son sang.
J’étais dans la chambre avec le frère de ma grand-mère et ma propre mère. Ô maman ! Tu en as vu des êtres chers sur un lit d’hôpital… mais quelle souffrance infinie que de voir sa propre mère dans cet état. Je doute réellement qu’il existe une personne sur cette Terre qui soit aussi forte mentalement que ma maman. Même dans les pires situations – et elle en a connu, je peux vous l’assurer – elle a su garder sa foi infaillible.
Nous étions tous les trois autour du lit qui supportait le poids de ma grand-mère, nous lui caressions les avant-bras pour qu’elle sente un peu de réconfort, ce réconfort du contact chaud d’une main qui nous caresse. Nous tentions de lui faire oublier quelque peu sa terrible souffrance. Mais nous n’étions pas dupes, nous voyions bien que nous étions impuissants face à ce satané cancer. Nous avons, donc, fait ce que toute personne de foi ferrait : nous avons commencé à prier.
Lorsque l’esprit d’un Homme ne parvient pas à résoudre un problème insoluble, il s’en remet bien souvent à Dieu. C’est précisément ce que nous fûmes : nous tentâmes, par l’intermédiaire d’un appel à l’aide désespéré auprès de Dieu, d’apaiser ne serait-ce qu’un peu ses souffrances.
Lorsque nous eûmes terminé, elle s’était endormie. Elle semblait apaisée ma mamie.
Cela déchire le cœur de voir un être que l’on aime sur un lit d’hôpital… elle est dure la vie sur un lit d’hôpital… Ce satané cancer, je ne le souhaite pas même à mon pire ennemi.
Profitez de vos proches et donnez-leur tout l’amour du monde. Profitez de la vie… pendant qu’il en est encore temps.

Elle est partie

Ce matin-là, j’ai tout de suite senti qu’un truc clochait… Enfin, je veux dire que tout était comme d’habitude quand j’ai ouvert mes yeux : ma maman était allongée à côté de moi dans le lit, elle me tournait le dos, les volets étaient entrouverts, mon doudou n’avait pas bougé d’entre mes bras (en même temps, mon doudou est l’être qui m’aime le plus au monde, donc pas étonnant qu’il ne bouge pas d’un poil d’entre mes bras). Bref, tout était à sa place, sauf mon papa.
A ma grande surprise, il n’était pas à sa place habituelle : juste à ma droite… puisque ma maman n’aimait dormir qu’à gauche du lit.

Je dors encore avec mon papa et ma maman non pas parce que j’ai peur de dormir seule, oh non, loin de là, je suis une grande fille maintenant… mais c’est parce que mon papa et ma maman ont peur que je dorme toute seule, peur que je fasse des cauchemars.
Et puis, il faut dire que mon tonton m’a dit une fois comme ça « la nuit, les fantômes qu’il y a dans ta chambre vont te manger ». Bien sûr, je ne l’ai pas cru, il raconte souvent des craques mon tonton, je ne me fais pas avoir si facilement, sauf que je préfère ne pas prendre le risque, vous feriez pareil si vous étiez à ma place.

Mais alors, où c’est qu’il était mon papa ? Ah ! Je sais ! Il doit être en train de faire pipi aux toilettes. Des fois, ça lui arrive d’aller comme ça, dans la nuit, faire pipi. Une fois même qu’il a fait caca, je le sais parce qu’il a oublié de fermer la porte et que j’ai entendu le bruit de l’étron tomber dans l’eau.
Pour vérifier ma théorie, je suis restée dans le lit à attendre son retour. J’ai attendu, j’ai attendu… puis, soudain, j’ai entendu du bruit en dehors de la chambre, mais ce n’était pas mon papa. Non, c’était ma mamie qui a crié : « Debout ma petite chérie, c’est l’heure d’aller à l’école.

J’veux pas y aller ! » que j’ai répondu comme ça. Puis ma mamie est rentrée dans la chambre et m’a prise dans ses bras, j’étais ronchonne.

Elle m’a délicatement déposée à l’entrée de la salle de bain pour que je passe de l’eau sur mon visage. Ma mamie, elle dit toujours que tant qu’on ne se passe pas de l’eau sur son visage le matin, on embrasse le derrière de toutes les personnes qu’on croise. Moi, je sais que c’est faux, mais bon, je ne préfère pas prendre de risque, je ne veux embrasser le derrière de personne.
Une fois cela fait, je suis sortie de la salle de bain sur la pointe des pieds, j’essayais de ne pas faire de bruit en vue de surprendre ma mamie pour lui faire peur. J’adore faire ça, les grands ont toujours peur mais font toujours semblant de ne pas avoir eu peur, mais moi je sais bien qu’ils ont peur, je me fais pas avoir si facilement hein. Malheureusement pour moi, ma mamie n’était plus dans les parages. J’ai donc descendu doucement les marches pour arriver dans le salon, au rez-de-chaussée.

Là, j’ai retrouvé mon papa. Il était allongé sur le canapé, les yeux grands ouverts, rouges… Visiblement, il avait passé une mauvaise nuit.
Il a levé les yeux vers moi, il avait le regard livide… il avait décidément passé une très sale nuit.

« Bonjour mon papa ! Tu es tombé du lit ? » que je lui ai demandé comme ça. Un simple soupir m’a été adressé en guise de réponse. J’ai aussitôt pensé que j’avais fait une bêtise… j’ai réfléchi, mais aussi loin que je m’en souvenais, je n’avais pas fait de nouvelle bêtise depuis la dernière fois que mon papa m’avait grondée.
J’ai cherché ma mamie du regard dans le salon, mais elle n’était pas là. Je suis remonté dans la chambre de mes parents et j’ai demandé à ma maman si papa était malade. Elle m’a dit que c’était le cas. J’ai haussé les épaules.

Je suis redescendu dans le salon, mais je ne me suis pas approché de mon papa. À chaque fois que mon papa était malade, il refusait catégoriquement que je l’approche. Ma mamie elle m’a dit une fois que c’est parce que les microbes de mon papa viennent sur moi et c’est moi qui serai malade après. Bon, j’ai pas tout compris, mais avec tout ce que mon papa a eu, je sais que lui et ma mamie en connaissent un rayon en maladies, microbes et autres bactéries.

Je me suis dirigée vers la cuisine où mon bol de céréales m’attendait. Ma mamie est vraiment top, elle s’occupe de tout, je m’occupe de rien, si ce n’est que je dois avaler mon bol de céréales jusqu’à la dernière goûte. Sinon, ma mamie me gronde et elle me dit que je resterai petite toute ma vie. Mais moi, je ne veux pas rester petite toute ma vie, sinon mes copines, elles vont sacrément se moquer de moi.

Un fois mes céréales avalées, ma mamie est venue me sommer de me dépêcher sinon, je serai en retard. Moi, je n’aime pas être en retard.
Je suis montée dans ma chambre pour m’habiller. Les vêtements que ma mamie m’a préparé ne me plaisaient pas, mais je n’ai rien dit, j’ai pris sur moi. C’était, selon moi, une preuve de maturité.

Mon sac sur le dos, j’étais en route pour l’école. C’était ma mamie qui m’avait emmenée à l’école parce que mon papa était malade et ma maman dormait encore.
Devant l’école, j’ai fait un bisou à ma mamie et lui ai fait promettre qu’elle reviendrait me chercher le soir.

La journée d’école ne mérite pas que je m’attarde dessus : c’était un jour comme les autres. La maîtresse a essayé de nous apprendre des trucs, pendant que nous, les écoliers, on essayait de bavarder sans se faire prendre.

Le soir, ma mamie m’attendait devant l’école. En rentrant, elle m’a proposé de m’acheter un bonbon chez l’épicier du coin. Naturellement, j’ai accepté. Mais je sentais qu’il y avait un truc qui clochait. Ma mamie est gentille avec moi, là n’est pas la question, c’est même, je dirais, la meilleure mamie au monde, seulement, elle n’acceptait jamais de m’acheter des bonbons, contrairement à mon papa.

Arrivées à la maison, j’ai constaté que mon papa n’était pas dans le salon, alors même que sa voiture blanche licorne était garée dans la rue. J’ai demandé à ma mamie où il était, elle m’a répondu qu’il se reposait dans la chambre.
Je suis montée derechef vérifier cela. Et, en effet, mon papa était calfeutré dans la chambre, tel un reclus, volets fermés, lumière éteinte.

Je suis ressorti sur la pointe des pieds car il semblait dormir. Je suis descendu m’inquiéter auprès de ma mamie de quoi il en retournait, quelle maladie pouvait bien priver mon papa de sa sortie quotidienne au troquet du coin. Il était habituellement rudement assidu mon papa, de ce côté-là.

Ma mamie m’a dit de ne pas m’inquiéter car il ne s’agissait de rien de grave, qu’il était simplement très fatigué et qu’il avait besoin de se reposer, que c’était donc logique que les volets soient fermés et la lumière éteinte. « D’accord » que j’ai répondu. Puis je lui ai demandé à quelle heure ma maman rentrerait du travail. Et là, tout d’un coup, ma mamie a fondu en larmes. Elle m’a ordonné d’arrêter de poser des questions à tout bout de champ sinon elle me rosserait comme il fallait et que je ferais mieux d’aller faire mes devoirs. Je n’ai pas trop compris ce qu’il m’arrivait et j’ai senti qu’il était relativement risqué de chercher à comprendre. Aussi, j’ai préféré baisser la tête et m’en aller dans ma chambre, pour m’installer à mon bureau et me mettre à ma besogne. Je trouvais cela injuste, mais je n’ai rien dit… après tout, Dieu reconnaîtra les siens, n’est-il pas ?

Alors que j’essayais de faire mes fameux devoirs sans trop m’apitoyer sur mon sort, j’ai entendu ma mamie qui arrivait. Elle a passé le seuil de la porte et je lui ai aussitôt fait remarquer que j’étais en train de faire précisément ce qu’elle m’avait ordonné… je sentais que ça allait me retomber dessus cette histoire, comme toujours. Dans cette maison, je faisais la coupable idéale.

Ma mamie avait le visage boursouflé et les yeux rouges. Elle semblait, elle aussi, très fatiguée et elle avait visiblement pleuré, et pas qu’un peu. Elle s’est approchée de moi, m’a caressé de sa main droite mon dos. J’adore quand elle fait cela, je me sens tellement en sécurité. J’ai souri.
Puis elle m’a dit « Il faut que je te dise quelque chose ma petite chérie… ».

Elle m’a raconté comment mon papa et ma maman se sont disputés cette nuit… je trouvais cela étrange car je n’avais rien entendu. Elle m’a raconté que mon papa est descendu dormir seul sur le canapé. Elle m’a raconté que ma maman a pris des affaires et est partie peu de temps après que je m’en sois allée à l’école. Elle m’a raconté que ma maman ne reviendrait pas ce soir. Elle m’a raconté que ma maman reviendrait me voir bientôt, mais qu’elle ne resterait pas dormir à la maison.

Je suis restée bouche bée. Cela fait une quantité d’informations trop importante à traiter par mon petit cerveau. J’essayais tant bien que mal de faire le tri dans ma tête mais cela était terriblement confus.
J’ai tout de même réussi à articuler « Mais… pourquoi ? ». Ma mamie est restée sans rien dire pendant un petit moment, elle semblait réfléchir puis elle m’a dit « Parce que ton papa et ta maman ne s’aiment plus ».

En voilà une histoire… Pourquoi faut-il toujours que les grandes personnes compliquent-elles tout ? Un papa doit aimer une maman pour toujours non ? Et inversement. Alors pourquoi arrêteraient-ils de s’aimer tout d’un coup ? Il y a quand même des choses qu’il faudrait qu’on m’explique parce que ou je n’ai pas toutes les pièces du puzzle pour tout comprendre, ou bien le monde ne tourne pas rond.

J’avais beau essayer de comprendre, je n’y parvins pas sur le coup. Mais le fatal constat était bel et bien celui-là : je ne trouverais plus jamais ma maman à la maison, allongée à côté de mon papa et regardant la télévision.

J’ai mis un peu de temps à m’en remettre d’un part, et d’autre part, à comprendre. Au travers de bribes de conversations que j’entendais de-ci de-là, je compris que l’amour entre mon papa et ma maman disparut à la suite d’une querelle sur un sujet qui m’est encore inconnu. « C’est complètement dingo ! Cela ne tient donc qu’à ça l’amour ? » j’ai pensé.

Pendant les semaines qui suivirent cet événement, mon papa alternait ses humeurs entre la colère, la tristesse et l’envie de se suicider.
Ma maman, quant à elle, m’appelait régulièrement pour prendre de mes nouvelles, sans oublier de demander des nouvelles « de la maison » comme elle disait. Certains week-ends même, elle m’emmenait chez elle, dans sa nouvelle maison à elle.
Au début, c’était chouette car ma maman, comme elle n’avait pas grand-chose dans sa nouvelle maison (même pas la télévision, c’est vous dire), m’emmenait tout le temps au cinéma, puis au Mac Donald’s, et même qu’elle m’achetait tout plein de jouets.
Mais plus le temps passait, moins les sorties étaient fréquentes, moins les cadeaux étaient nombreux… si bien que, à la fin, les visites chez ma maman se résumait à cela : elle me questionnait durant un quart d’heure sur l’école, sur comment j’allais et surtout sur la maison de mon papa et sur mon papa, puis elle m’installait devant la télévision qu’elle avait achetée entre temps et m’ordonnait d’être sage, car si je ne l’étais pas, elle cesserait de m’aimer aussitôt.

Petit à petit, mon papa s’est senti mieux, il réussissait tant bien que mal à tourner la page. Au début, il n’arrêtait pas de demander à haute voix « Mais qu’est-ce qui a bien pu lui prendre ? ». Il parlait de ma maman, cela va de soi. Puis, il a cessé de chercher à comprendre. Parfois, certaines choses n’ont pas d’explication rationnelle.

Aujourd’hui, mon papa ne parle à ma maman que pour des questions pratiques : lorsque je vais la voir ou lorsque ma maman veut me parler. Ils se sont promis amour dans le meilleur et dans le pire… que de vaines paroles. Ma maman ne me manque pas particulièrement, car je la vois assez régulièrement… Non, ce qui me manque c’est mon papa ET ma maman, ensembles.
Aussi, je me suis promis que quand je serai grande, je n’essayerai pas de comprendre tout ça… mais que quand je donnerai ma parole, je m’y tiendrai.