Comique

J’étais au collège à cette époque. J’étais plutôt introverti puisque j’étais laid comme un pou. Il est vrai que cela n’a pas changé des masses depuis.
Sandra était une belle blonde aux cheveux ondulés. Bon Dieu qu’elle me plaisait. J’éprouvais un amour incommensurable pour elle, mais, comme c’est souvent le cas, ce n’était nullement réciproque. Tant pis, il m’en fallait davantage pour me rebuter.
Plus le temps passait, moins j’avais le courage de lui avouer mes sentiments. Mais, un jour, alors que j’avais fait une rédaction du tonnerre et que la professeure m’avait félicité devant toute la classe, je décidai que le soir venu, à la sortie, j’allais la mettre au courant de ce qu’il en était.
Ainsi, lorsqu’à 16h30 notre liberté nous fut rendue, je m’empressai d’empaqueter mes affaires et de sortir parmi les premiers. Sandra était plutôt mollassonne. Elle sortait toujours parmi les derniers.
Lorsqu’elle eut franchi le pas de la porte de la salle de classe, je me présentai devant elle avec le sourire d’un gagnant au loto :
« Salut Sandra ! » que je lui balançai comme ça.
« Kess tu veux Dmitri ?

Ecoute Sandra, y’a un truc que j’voulais te dire depuis pas mal de temps.

Quoi ça ? Qu’c’est pas toi qu’a rédigé le devoir que Madame Laurette nous a donné ? Haha.

Heu ? Non, c’est pas vraiment ça qu’j’voulais te dire.

Bah ! Vas-y, accouche alors, j’ai pas toute la nuit moi !

Bah écoute, je t’aime ! », que je lui dis. Puis, sans attendre une réaction de sa part, je décampai à toute allure.
Le lendemain, avant d’arriver en classe, je m’étais fait des tas de films dans ma tête : que j’allais arriver dans la cour de récréation et qu’elle allait se mettre à genoux et me dire « Moi aussi je t’aime Dmitri ! » ; ou alors, que ses copines allaient me toiser du regard en disant tout bas « Elle a drôlement de la chance cette Sandra ! »
Lorsque je me pointai donc dans la cour, ce qu’il se passa n’était pas vraiment ce à quoi je m’étais attendu. Sandra et ses copines me toisèrent effectivement du regard, mais lorsque je m’approchai d’elles, Sandra lâcha « Tiens, v’là Fantski, le comique ! »
A la suite de quoi, je devins rouge comme une tomate et pris mes jambes à mon cou pour aller chialer dans les toilettes.
Avec les années qui me séparent de cette histoire, je ne cesse de me dire que si Sandra avait accepté mes avances, je n’en serai pas là où je suis maintenant… triste, pauvre et avec une haine profonde envers la gente féminine.

A mes amours

Les flots du temps les a emportées au loin. Ô mes amours ! Où êtes-vous toutes passées ? Le temps d’une vie je vous ai attendues, mais vous êtes parties sans jamais vous retourner. Ô mes amours ! Comment vous portez-vous ? Êtes-vous heureuses ? Un paradis vous était promis, mais je n’ai pas su en prendre soin. Tout s’effrite sous l’effet du temps, tout s’estompe à chaque minute qui passe, tout se voile à chaque seconde… mais votre sourire reste de façon indélébile ancré dans mon hippocampe. Ô que ne donnerai-je pas pour pouvoir le voir une ultime fois.


Sans cesse je pense à tout ce qu’on n’a pas fait. Je pense à toutes ces joies que le temps a fauchées, je pense à toutes ces découvertes que nous aurions pu partager, je pense à toutes nos folies qui ont été mises en cages… Nous aurions pu être heureux ensembles, mais mon bonheur a pris une sortie différente, notre destination était pourtant identique au départ.


Ô mes amours ! Mon cœur pulsait pour vous tel un magnétar et vous l’avez laissé inerte. Ô mes amours ! à quel point vous aimais-je, le saviez-vous ? Sentiez-vous seulement tout cela ? Rien ne se perd, tout se transforme, mon amour n’a pas disparu, il a simplement changé de cible. Maintenant, mon havre de paix se résume à me balancer dans un rocking chair en lisant du Fyodor Mikhailovich Dostoevsky sur les airs de la Marche Funèbre de Chopin.


Nous allons, finalement, tous au même endroit. Il est dommage qu’on n’ait pas partagé plus de chemin ensembles. Mais rien de tout cela n’a de l’importance désormais. La vie continue et tempus edax rerum.

Gomorra

Il y a quelques années, j’ai commencé à regarder la série qui suscitait un certain engouement à l’époque. D’aucuns qualifiaient cette série comme « exceptionnelle », « fascinante » ou encore « excellente ». N’avalant pas facilement de telles couleuvres, j’ai fait ma petite recherche sur les internet et, en effet, les avis sont plutôt unanimes : cette série a l’air de mériter ses louanges. Je veux bien évidemment parler de Gomorra. Je me suis donc dit que je ne prenais pas un grand risque en commençant à la regarder, que j’allais vite accrocher et apprécier.
Avant de continuer, je dois apporter une précision qui a toute son importance : à l’époque, à la suite des conseils d’un collègue, j’avais regardé d’une traite Sur écoute (The Wire en VO). Puis, j’ai tout de suite enchaîné sur Gomorra. Mais, hélas, quelle ne fut pas ma déception dès les premiers instants. Je n’avais pas du tout accroché et, fait relativement rare me concernant, surtout à l’époque, j’ai décidé d’arrêter le massacre au bout de trois ou quatre épisodes.
Aujourd’hui, 2020, vivant dans un monde qui connaît une crise mondiale due au Covid-19, j’ai beaucoup de temps à consacrer aux séries et films. Vivant en Tchéquie, j’ai la chance de pouvoir disposer de HBO GO et l’application, bien qu’étant très moyenne au niveau technique, dispose de deux atouts :
• L’excellente qualité des contenus proposé par HBO
• Elle intègre les notations de IMDB
Il y a également un top des séries suivant les notations IMDB. Et dans ce top, Gomorra est plutôt très bien noté. De surcroît, au détour d’un podcast, j’ai appris la sortie de Mille couleurs de Naples de Philippe Vilain. Tout ceci mis bout à bout a hautement éveillé ma curiosité. Et me suis-je dit : « Tiens, et si je donnais une nouvelle chance à Gomorra ».

Synopsis

La série est l’adaptation du livre du même nom sorti en 2006. Ce livre a été écrit par Roberto Saviano qui y connaît un rayon niveau mafia. Il est le père de nombreux articles dénonçant ce milieu.
L’action se situe à Naples où on suit les petites querelles entre deux pontes de la Camorra (la mafia napolitaine en gros) : Don Pietro Savastano et Don Salvatore Conte. Le premier a une belle femme répondant au nom de Donna Imma et un fils, un peu kéké sur les bords, Gennaro.
Don Pietro prenant de l’âge commencer à penser à sa succession qui doit revenir, en toute logique, à son fils. Mais, ce dernier n’étant pas vraiment prêt (c’est le moins que l’on puisse dire), il demande à l’un de ses fidèles soldats, Ciro Di Marzio, de prendre Gennaro sous son aile pour lui durcir un peu le cuir.
Devant gérer sa petite guerre avec Conte, Don Pietro devient imprudent et finit par atterrir en prison. Cela précipite quelque peu sa succession…

Ce qu’il y a de bien

On va commencer par le bon côté de la série : l’ambiance qu’elle instaure dès les premières minutes du premier épisode. Une ambiance très sombre, très « grunge » qui colle parfaitement avec le générique. Cela vient, selon moi, de la volonté de Saviano de dépeindre ce milieu comme quelque chose de crasseux, d’inconfortable. On peut limite sentir le métal dans la bouche en voyant le générique.
Saviano étant quelque peu expert en la matière, le monsieur sait de quoi il parle. Aussi, peut-on supposer que ce qui est dépeint dans la série sur la façon de fonctionner de la Comorra se rapproche peu ou prou de la réalité.

Ce qu’il y a de moins bien

La première chose qui saute aux yeux est le jeu pathétique des acteurs. Tout est tellement exagéré : leurs mimiques, leurs émotions, leurs costumes… Que ce soit Gennaro ou Ciro, l’un est le cliché parfait du kéké de base (mon seul étonnement étant de ne pas le voir roulé en véhicule tunning) et l’autre du parfait beau gosse rital, dur, fort (y a qu’à voir son surnom : l’immortel…). C’est vraiment trop, à tel point que cela frise avec le ridicule.
Idem avec le coup de la Donna Imma qui se veut vipère, au regard perçant et noir. Cela ne fait pas naturel du tout. En appuyant trop sur ces aspects, le personnage devient limite risible, c’est très dommage. La scène entre Gennaro et elle, juste avant son départ au Honduras et où il lui annonce avoir rompu avec Noemi, m’a mis tellement mal à l’aise. C’est d’un pathos sans nom.
Autre scène totalement ridicule est la roulette russe… Avait-on besoin d’en arriver là ? Pourquoi ? Ciro rencontre un grand mafieux russe (lui aussi : plus cliché, tu meurs) et devinez quoi ? Et bien, ils finissent par se faire une petite partie de roulette russe, parce qu’ils sont tous deux joueurs. Allons messieurs, un peu de dignité tout de même.

Il y a également un problème narratif : les événements sont très mal amenés. On sent bien la volonté de montrer les choses d’une certaine manière, mais on prend moins soin de savoir comment on les ficèle. Par exemple, dans l’épisode 7 où, après avoir menacé l’usurier, elle le fait tuer sur le toit de l’immeuble par l’un de ses sbires, aux côtés d’une des victimes… La mise en scène est catastrophique, mais elle n’est malheureusement pas isolée. Dans chacun des épisodes de la première saison on retrouve ce genre de scènes.

Dommage

C’est très rageant, car j’avais certaines attentes de cette série. J’ai mis ma première déception la concernant sur le compte de la transition quelque peu rude entre The Wire et cette série. En effet, il n’est pas facile d’apprécier une série à sa juste valeur après avoir vu un chef d’œuvre tel que The Wire. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu redonner sa chance à Gomorra. Mais, je dois me faire à l’idée que non, ce n’est pas pour moi…

abeille


j’avais dans les huit
ou neuf ans et j’étais
retourné en Roumanie pour rendre
visite à ma famille qui était restée là-bas.

c’était l’été et
il faisait une chaleur de bête,
y compris la nuit.

la maison de mes grands-parents
paternels était plutôt
imposante et avait l’avantage
de conserver une température
décente à l’intérieur.
c’était très agréable, car lorsqu’on
entrait dedans,
un voluptueux choc
thermique nous envoutait.

comme j’avais veillé assez tard,
mes parents me laissèrent dormir là-bas,
chez les vieux.

mes grands-parents s’étaient
essayés à l’apiculture, aussi avaient-ils
des abeilles qui rodaient en permanence
dans les parages.

j’étais terrifié par les abeilles parce
que j’avais entendu dire qu’un
homme était mort, car il s’était
fait piqué par des abeilles.

mais je décidai de ne pas
trop y penser. je parvins à m’endormir,
mais fus réveillé en sursaut avec une terrible
douleur au niveau
de la voute plantaire.
j’alarmai toute la maison
en hurlant de douleur.

une abeille m’avait
piqué à cet endroit précis. j’ai
tout de suite pensé
que j’allais mourir. je vis
ma courte vie défiler devant moi :
les fêtes que je n’avais pas faites,
les petites copines
que je n’avais pas eues,
les voyages que je n’avais pas faits…

ma grand-mère vint
me poser un torchon avec de l’eau
froide et cela
apaisa instantanément la
douleur.

je me risquai à lui
demander si j’allais
mourir ou, encore pire,
si j’allais perdre mon pied. elle
ria à gorge déployée… j’avais compris,
je me sentis ridicule… mais au moins,
je n’étais pas mort.

Astéroïde

Que la vie est douce lorsqu’on rencontre la bonne personne.
On voit les choses sous un angle totalement différent,
Nos corps nus s’entrechoquent et rendent heureux le firmament,
Avant d’être parents, nous sommes tous de bestiaux amants.
L’amour est une belle alchimie, n’est-ce pas mon cher Wilson ?

Une griffure, une morsure, on aime tous l’amour torride,
Des va-et-vient, un rythme très irrégulier et incessant
Le souffle coupé, la transpiration sur nos cous coulant,
On résiste, on donne tout, on démontre tout notre talent,
L’extase, cette belle croisière sur un astéroïde.

Cette fois-ci, c’est la bonne

Tom aimait la vie, de manière générale. Tom était ce qu’on peut appeler communément un bon vivant. Mais Tom était, avant toute chose, un rêveur né.
De nature quelque peu terre-à-terre, Tom se posait souvent la seule vraie question que tout homme normalement constitué se pose : « Comment devenir riche ? »

Alors, bien sûr, il y avait la solution qu’on nous enseignait dès notre enfance, c’est-à-dire travailler.
Mais Tom connaissait pertinemment l’étymologie du mot « travail ». C’était la raison pour laquelle il était le genre d’Homme qui ne se tuait à la tâche que moyennement.
Attention, n’allez pas croire qu’il n’avait pas d’emploi, non, il travaillait bel et bien. C’est simplement qu’il ne s’attendait pas à mener la vie dont il rêvait chaque soir uniquement grâce aux revenus de son travail.

Souvent, il essayait de trouver une réponse à sa fameuse question relative à la richesse. Bon, on ne peut pas affirmer que ses premières idées furent des plus prometteuses.

Avec un physique plus qu’acceptable, il a bien pensé à faire gigolo… Seulement, l’idée de coucher avec une femme de l’âge de sa mère l’écœurait quelque peu. Même si, il est utile de préciser qu’après quelques verres de bourbons, il peut revenir sur cette idée. Mort saoul, lors d’une partie de poker, il avait tout de même affirmé qu’il était prêt à baiser sa mère s’il perdait.

Oublions l’idée de vendre son corps alors. Que lui restait-il ? Faire des affaires, bien évidemment.
Comment pouvait-il s’y prendre ? Le commerce étant un secteur hautement concurrentiel, il va lui falloir une idée géniale ou alors beaucoup d’innovation.
Avec des marges de près de 300 à 400%, le secteur des substances illicites semblait la parfaite solution.
Seulement, là encore, il y avait un hic. Tom était un jeune mec avec la bouille en brie de Jack Palance, une coupe au gel, le muscle saillant… et du haut de son mètre cinquante, il était difficile d’imaginer qu’il pourrait impressionner ses éventuels détracteurs.
Conclusion : Tom n’était pas forcément taillé pour vendre de la cocaïne.

Mais alors, comment devenir multimillionnaire à l’image de Dan Bilzerian ? Cette question le hantait au quotidien.
La réponse, il la trouva aux aurores. Un matin, se rendant au travail de bonne heure comme tout bon salarié qui se respecte, il leva les yeux vers une affiche publicitaire dans le métro parisien… et là, éclair de génie ! Mais oui, dire que c’était devant ses yeux depuis tout ce temps !

Son Saint Graal tenait en deux mots : paris sportifs ! Mais oui, s’il y avait bien un domaine où l’on pouvait se faire de l’argent facilement, c’était bien celui des paris sportifs.

Ne sachant pas très bien quelle technique adopter au départ, il choisit d’y aller d’une manière qu’il appréciait à tout point de vue : de la manière forte.
Cela se traduisait par des mises surdimensionnées sur des équipes de football issues de villes qu’il ne savait même pas situer sur une carte.

Ce qu’il y a de vicieux avec les paris, c’est que bien souvent, les premières fois, on a tendance à gagner. Cela altère la perception de ces jeux d’argent et on en vient vite à penser qu’il s’agit effectivement d’une façon simple pour faire fortune.
Tom n’a pas été épargné par cette règle. Il a gagné de fortes sommes d’argent au départ de sa carrière de parieur fou. Ce qui le poussa à augmenter ses mises et à les diversifier.

Croyant avoir trouvée sa ruée vers l’or, il pariait de façon frénétique, il était comme possédé par le démon des jeux. Sans qu’il s’en rende compte, il dilapidait son pécule au fur et à mesure.
Et comme la chance n’est pas toujours du côté qu’on le pense, il perdait régulièrement.
Mais que fait-on quand on perd ? Et bien, on tente de se « refaire ». Traduisez cela par miser davantage.

Il s’agit-là d’un cercle sans fin dans lequel, une fois embarqué, on a du mal à s’en sortir. Et c’est exactement ce qui était en train d’arriver à Tom.

À force de tuyaux manqués, de paris farfelus ou autres combinaisons douteuses, il en arriva à un point où, il dut revenir à l’une de ses premières idées pour effacer ses ardoises…
Il faut savoir que certains prêteurs sur gage sont grandement adeptes des fellations…

Mais n’oubliez pas le mot d’ordre : la prochaine fois, on va se refaire.

Un virus et puis s’en va

Chaque nouvelle année apporte son lot de surprises. L’an 2000 est venu avec son fameux bogue informatique qui a paralysé une partie de l’économie. L’année 2015 nous a livré un triste spectacle avec les attentats de Charlie Hebdo. L’année 2002 m’a fait mettre en pratique l’acte sexuel. Ô Natacha, je peux t’assurer que je m’en rappelle les moindres détails de ces cinq minutes-là. Je venais à peine d’avoir onze ans et… enfin, bref, là n’est pas le sujet.

L’année 2020 n’échappe pas à la règle. Tout est parti d’un marché animalier à Wuhan, en Chine. Là, des Chinois s’ennuyaient tellement sec qu’ils n’ont rien trouvé de mieux à faire que de se dire : « Tiens, et si on allait bouffer du pangolin. Et s’il nous reste encore un peu de place pour le dessert, on pourra finir avec une petite chauve-souris. » Le Chinois étant un homme d’honneur et de parole, ni une, ni deux que le pangolin et la chauve-souris étaient déjà dans leur estomac. De fil en aiguille, voilà qu’un nouveau virus fit son apparition, un virus de la famille des coronavirus (car, au microscope, paraît-il, ils ont la forme d’une couronne, un virus princier en quelque sorte) qui sera baptisé par la suite : Covid-19. Le nom qu’on lui a donné m’est pas mal cher, car cela me rappelle au quotidien que la dernière fois que j’eus les couilles vides était en 2019.

Au début, d’aucuns prenaient cela à la légère et les médias n’en parlaient que vaguement. Puis, le nombre de cas augmentant de façon exponentielle, de plus en plus de personnes commençaient à prendre cela au sérieux. Pas une seule minute ne passait sans qu’on ne vît passer des articles relatifs à ce nouveau virus. Tant que les personnes contaminées se situaient en Chine, le reste du monde n’en avait cure, prétextant qu’ils sont bien assez nombreux, donc quelques morts ne feraient pas de mal. C’est lorsque le virus se mit à voyager hors des frontières chinoises que la panique commençait à gagner le reste du monde.

A la suite de quoi, on vit s’installer une certaine animosité envers les Chinois (il y a des tas de blagues à faire là-dessus, mais la situation est suffisamment critique pour que je m’en abstienne). L’Homme occidental démontra ainsi, une fois de plus, à quel point il peut être con. Bon, il faut tout de même se l’avouer, mais comment peut-on faire confiance à un peuple qui pixelise ses vidéos de cul ?

Le nombre de cas atteignant des sommets, la panique commença à s’étendre au niveau mondial. En Chine, on comptait désormais des dizaines de milliers de personnes infectées. Mais, l’esprit compétitif italien demeurait toujours intact. Aussi, le nombre de cas en Italie fit un bond phénoménal. Au fur et à mesure, la plupart des pays Européen furent touchés. Et même au niveau mondial, on n’était pas en reste.

Les autorités des différents pays commencèrent à prendre des décisions pour contre la propagation de ce virus. Au début, ces dernières étaient plutôt gentillettes : laver vous les mains de cette façon, tousser dans votre coude, ne faites pas la bise, ne serrez pas les mains, dites vous bonjour avec les pieds… bref, on redoublait d’ingéniosité pour contrer le Covid-19. Mais face à un virus qui se propageait à la vitesse de l’éclair, il fallait sévir. Aussi, soudainement, fut-il décidé dans de nombreux pays des mises en quarantaine et autre confinement.

La situation changea de manière assez brusque. J’étais au bureau avec une gueule de bois assez robuste quand le premier ministre tchèque annonça qu’une discussion entre parlementaires allait avoir lieu pour décider de la mise en quarantaine ou non du peuple tchèque. La vie étant parfois bien faite, nous eûmes au bureau une coupure de notre connexion internet aux alentours de 14h. Je vis cela comme un signe du Très Haut : il est difficile de passer près de 9h dans un bureau lorsqu’on a la gueule de bois, d’autant plus lorsqu’on est conscient qu’un satané virus rode en ville.

Aussi, après avoir longuement réfléchi avec mon responsable, à savoir deux ou trois minutes tout au plus, nous décidâmes, avec certains autres collègues, d’aller profiter des derniers instants pendant lesquels les bars étaient encore ouverts.
En temps normal, je ne suis pas du genre à me faire prier pour me la coller sévère. Qui plus est, certaines fake news disaient qu’on pouvait éradiquer le virus en picolant, autant vous dire que j’ai pris cette tâche d’extermination très à cœur. Nous avons picolé, avec une poignée de collègues, sans discontinuer de 14h30 jusqu’aux alentours de 23h00. Le lendemain, je ne fis, naturellement, pas acte de présence au bureau, car :
• Version officielle : « c’est trop risqué avec ce virus qui rode »
• Version officieuse : « GDB »
Entre temps, la décision fut prise d’appliquer une quarantaine très stricte en Tchéquie : port d’un masque obligatoire dehors, interdiction de sortir à moins d’avoir une bonne raison (professionnelle, médicale, courses, promener son clébard). Puis, il faut dire que Prague, avec ses bars fermés perd une bonne partie de son charme.

Depuis ce jour-là, je n’ai mis les pieds dehors qu’une poignée de fois : à chaque fois pour aller me racheter des pâtes et du whisky. La tension était palpable. Les passants se regardaient en chien de faïence et pour peu qu’on ait le malheur d’être pris d’une quinte de toux en pleine rue, on était quasiment assuré de se faire lyncher.

La situation ne m’était guère déplaisante au début. Je suis d’ordinaire assez solitaire et l’absence de sociabilisation ne m’a jamais réellement posé de problème. Je fais parti de ceux qui se mentent à eux-mêmes en disant qu’on n’est jamais assez bien qu’avec soi-même, mais la vérité est que la solitude ne m’a jamais dérangée, du moment qu’elle fut peuplée…

Je tournais en rond et ne savait plus quoi faire. J’avais relu l’intégrale de ma collection de John Fante, Charles Bukowski et Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, je m’étais refait l’intégrale de The Wire et des Sopranos, j’avais vu tous les films qui étaient sur ma « To watch list » depuis un bail, j’avais visionné l’intégralité des vidéos de mes catégories favorites sur divers sites pronos… Bref, j’avais épuisé tous mes divertissements et je commençais à virer dingo. J’ouvrais de temps en temps la fenêtre pour voir le ciel bleu, pour voir des passants masqués promener leur chien masqué, lui aussi. Je devais l’admettre, l’Homme me manquait foutrement. Ne plus voir de sourires singuliers, ne plus entendre des personnes rire, ne plus voir de jolis cheveux blonds ondulés, ne plus voir de groupes d’anglais boire bière sur bière et s’amuser, ne plus voir de petite fille faisant une crise, car sa maman ne lui avait pas acheté de glace… tout cela me rendait extrêmement triste et anxieux.

Si un jour tout cela prend fin, je sais d’ores et déjà que les oiseaux ne chanteront plus de la même manière, que nous n’accorderont plus la même importance à nos vains problèmes, que nous saurons apprécier à leur juste valeur les bienfaits que nous offrent la vie et qu’une bière entre amies n’aura plus la même saveur.

Prenez soin de vous et de vos proches et, surtout, dites leurs que vous les aimez… avant qu’il ne soit trop tard.

Mais pour le moment #StayAtHome !